J’ai toujours aimé les allégories et les métaphores. Peut-être parce que ça aide à discerner un aspect précis d’une idée plus large ou à cause de la poésie que ça ajoute à l’ordinaire et au terre-à-terre.
Toujours est-il qu’aujourd’hui, je vous en sers une où il est question de coloriage et de gestion individuelle de la pandémie et du confinement. (Le mandala thérapeutique ne sera pas abordé.)
D’abord, une intuition et une image
Qui d’entre nous n’a pas usé son bleu ciel, son jaune soleil ou son rouge cœur sur le papier gris recyclé d’albums à colorier? Pour ma part, je préférais les formats jumbo, d’un pouce d’épais, qui renfermaient quantité inépuisable de formes plus ou moins naïves dessinées à gros traits noirs.
En ce moment, je nous perçois comme des enfants accomplissant leurs premiers coloriages; nous apprenons à suivre les lignes qui délimitent une nouvelle forme, dessinée par autrui. Nous n’avons pas l’habitude et pour plusieurs, ce n’est pas un exercice banal. Aussi, les styles artistiques varient.
Certains n’auront rien à faire des contours et barbouilleront toute la page dans un élan de liberté difficile à réprimer…
D’autres, au contraire, seront capables de colorier la forme en respectant son contour. Ils sont bons là-dedans, même que ça les rassure. Et ce sont parfois les mêmes qui font remarquer au petit voisin que son trait de crayon a dépassé à plusieurs endroits.
D’autres encore se concentreront sur la ligne, en suivant l’intérieur du trait noir avec la couleur choisie, d’un geste assuré, pour un résultat foncé et des lignes bien visibles, comme s’ils accordaient plus d’importance aux limites et moins à l’intériorité du dessin – ou du dessein.
Le contraire existe aussi. Les enthousiastes du remplissage donneront couleurs à la forme à grands coups de crayon de cire, aplatissant sa pointe d’un geste ample et dynamique qui finira par fatiguer le bras ou la main et qui rendra ensuite le détourage plus difficile. Ce sont ceux qui, sans mauvaise volonté, échoueront à accomplir un coloriage sans faute…
Me voyez-vous venir?
Plus haut, je vous disais ma préférence pour les cahiers jumbo. Plus il y avait de pages, plus j’étais heureuse. D’ailleurs, je mettais souvent plus de temps à choisir celle que j’allais colorier qu’à l’opération de coloriage elle-même. Analyse this… Mais ce que j’aimais aussi beaucoup, c’était de demander aux adultes de mon entourage de colorier dans mon cahier.
Un jour, le choix de mon grand-père s’est arrêté sur un dessin de Donald Duck se tenant debout, sans fond ni contexte. Grand-papa connaissait Donald. Pourtant, j’ai été surprise de constater qu’il lui avait donné des airs de « vrai canard », le remplumant avec des dégradés de verts et de bruns. Je ne comprenais pas qu’il ait choisi ces couleurs, sachant qui était le célèbre canard blanc au bec orange… J’y suis revenue souvent à ce dessin, plutôt réussi je dois le préciser. Je ne me lassais pas de le regarder, il me fascinait par sa non-conformité. Je pense sincèrement que c’est ce dessin qui m’a permis de comprendre qu’on pouvait choisir de respecter la forme tout en lui donnant la couleur qu’on voulait.
Ensuite, un sens et une essence
Personnalité, réalité, intérêts, forces et faiblesses sont propres à chacun et rendent notre coloriage quotidien différent de celui des autres.
Pendant la dernière année, on a souvent entendu l’expression de « vies mises sur pause ». Et pourtant, la vie ne s’arrête pas. La nôtre continue de se teinter de nos couleurs, de nos gestes. Même la vie de personnes vulnérables qui avaient déjà, avant le confinement, des contraintes de coloriage, des limites à respecter.
… Les enfants gravement malades qui font de longs séjours à l’hôpital, qui voient leurs amis continuer sans eux, changer de niveau scolaire, compter des buts, apprendre à lire et à plonger…
… Les personnes en traitement contre le cancer qui, pour se protéger eux et ceux qui les soignent « en zone froide », ne peuvent recevoir la visite d’un proche qui serait pourtant si réconfortante…
… Les aînés dont le temps est compté et qui espèrent pouvoir à nouveau prendre leurs petits-enfants dans leurs bras, jouer aux cartes en famille, discuter dans un café avec un ami…
… Les gens œuvrant pour l’art et la culture et dont le rôle est justement de nous montrer que c’est beau, aussi, de colorier en dehors de la forme…
Tous ces organismes, toutes ces fondations qui doivent continuer leur mission et trouver les moyens, à l’intérieur d’un nouveau cadre contraignant, mouvant, inadapté, d’aider des personnes dont la vie n’est pas sur « pause » et dont les difficultés se sont peut-être même accumulées.
La cause qui vous est chère peine à garder la forme? Atypic peut aider.
L’accessibilité et l’inclusion au cœur de l’événement
William Mullen, 10 juin 2024
Articles de blogue